
Émincé à la zurichoise: indétrônable!
L’émincé à la zurichoise figure immanquablement sur la carte de tous les restaurants. Ce plat composé de tendre viande de veau accommodée avec une sauce crème veloutée, garnie de champignons de Paris et parfois de rognons, est devenu un grand classique de la cuisine suisse. Il est indissociablement lié au «Sechseläuten», le plus important jour férié zurichois. Mais il fait aussi recette toute l’année.
L’émincé - typiquement zurichois?
Tina Turner, Al Gore et Roy Hodgson le connaissent et l’apprécient: tous trois ont déjà goûté de l’émincé à la zurichoise. De tendres petits morceaux de veau dans une sauce claire faite de crème et de vin blanc. Difficile d’expliquer comment ce plat a fini par devenir une spécialité typique de la ville sur la Limmat. Une chose est sûre, sa popularité a dépassé les frontières depuis pas mal de décennies.
Des recettes de l’émincé de veau figurent depuis plus de 100 ans dans les livres de cuisine suisses, mais sans mention d’une succulente sauce à la crème, de champignons de Paris et de rognons. Alice Vollenweider, auteure d’ouvrages gastronomiques, a découvert des recettes antérieures dans des livres autrichiens. Et c’est probablement grâce à ces livres et à des cuisiniers autrichiens que la recette est parvenue en Suisse.

Mes plats de viande, livre de cusine
Une vieille recette revisitée – sans crème
Le plat que nous connaissons aujourd’hui fait son apparition dans les livres de cuisine seulement vers la moitié du 20e siècle. On trouve l’émincé à la zurichoise dans «Le nouveau livre de cuisine» de Rosa Graf, paru en 1947. Mais au chapitre des plats nationaux et régionaux ne figure pas la préparation qui nous est familière. Elle ne comporte toujours pas de champignons de Paris ni de rognons. Plus surprenant encore: pour 600 à 800 g de viande, la quantité de crème (0,75 dl) et de vin blanc (2 c.s.) est très faible par rapport à 1,5 dl de sauce de viande. En comparaison: la recette de Betty Bossi donne 600 g de viande et 200 g de champignons de Paris pour 1 dl de vin blanc, 1 dl de bouillon de viande et 2 dl de crème.
En se plongeant dans des livres anciens, on constate que la combinaison de veau «émincé» et de champignons de Paris est connue depuis 80 ans. Mais aucune trace de crème dans les recettes.

Le vrai de vrai est vraiment bon!
Les avis restent partagés sur la composition de l’authentique émincé à la zurichoise. Le veau est-il accompagné de rognons et de champignons? Dans son célèbre livre de cuisine paru en 1960, Elisabeth Fülscher note en tout petits caractères l’addition de champignons de Paris: dans une deuxième version de l’émincé de veau figurent une boîte de champignons de Paris et des crevettes (!). D’autres chefs privilégient le mélange de viande de veau, rognons et champignons de Paris à raison d’un tiers de chaque.
Venons-en maintenant à la garniture: aujourd’hui, l’émincé à la zurichoise est généralement servi au restaurant accompagné de rösti bien dorés. En 1972, «Schweizer Tafelfreuden» (Plaisirs de la table suisses) recommandait aussi en guise de garniture des nouilles ou du riz. La suggestion de Fülscher en 1960 nous semble assez exotique: l’émincé à la mode zurichoise s’accompagnerait de cornettes et de purée de pomme, ou encore d’une couronne de riz, de purée de pommes de terre et de rösti.

Avec ou sans rognons?
Beaucoup de gourmets s’opposent sur la question de savoir si un authentique émincé de veau à la zurichoise contient ou pas des rognons. Nous vous proposons deux recettes, l’une avec des rognons, l'autre sans:
Une potée pas seulement politicienne
Les amateurs de légumes sont mal lotis avec l’émincé à la zurichoise, mais mieux servis avec la potée de bœuf et de veau à la zurichoise (Zürcher Ratsherrentopf), une autre spécialité prisée par les notables de la ville. On fait revenir du filet de bœuf, de veau (évent. aussi du filet mignon de porc), du lard et des petites saucisses, des rognons et du foie de veau que l’on dresse sur un plat et accompagne de pommes de terre, petits pois et carottes. Le tout est arrosé du jus de cuisson au moment de servir. Des recettes plus anciennes font intervenir d’autres ingrédients comme la cervelle ou le ris de veau.
Le nom «Ratsherrentopf» donne l’impression que l’on a affaire ici à un plat traditionnel. Or la pomme de terre ne fut introduite en Suisse que dans la deuxième moitié du 18e siècle. Parfois, ce plat est aussi apppelé potée des confréries zurichoises.
Curieux de savoir à quoi ressemble l’une de ces confréries? Le mieux est de vous rendre sur place. Quelques confréries disposent de restaurants très conviviaux. Et contrairement au temps jadis, les non membres et surtout les femmes y sont les bienvenus!
Texte: Alexandra M. Rückert
Mise à jour: 16 août 2021

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